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Le « no life » ou l’ado qui se laisse vivre…

L’histoire d’Hugo

La maison est silencieuse, tout le monde est profondément endormi depuis longtemps.
Seul, Hugo est allongé sur son lit, encore tout habillé. Personne ne l’appelle plus malgré les regards désespérés qu’il jette régulièrement sur son portable. Lui, ne peut pas appeler, plus d’unités… il s’ennuie. Il n’a pas sommeil.
Il s’est couché aux environs de 23h30. Il a zappé une bonne centaine de chaines, un long moment. Un casque lui diffuse le dernier morceau de Rap de son groupe favori.
Il lutte pour ne pas s’endormir sans trop savoir pourquoi.
Il est 0h45.

7H00.
C’est la musique de son téléphone qui le réveille.
Il se rue sur son écran préféré pour voir si personne ne l’appelé ou laissé un message pendant la nuit. Rien.
Il se lève, jette un rapide coup d’œil sur la tête qu’il a. « Putain la sale gueule » !…
Il répond à l’appel de son pote Nico tout en se brossant les dents, avale un petit dèj’ ultrarapide, toujours en téléphonant et se rue vers l’arrêt du bus qu’il manque de rater. Il s’affale sur un siège et réalise tout à coup qu’il a oublié ses cours ! « Merde » ! Pas grave son pote le dépannera ! Nico qui n’a pas maths aujourd’hui lui propose quelques feuilles et un bouquin de physique, histoire de ne pas arriver les mains vides… De toute façon c’est pas grave la prof de maths est complètement cramée. A 8h00, elle verra que dalle !
Après, il a étude et trouvera bien un moyen de se retourner. On verra ça plus tard…

Il a retrouvé ses potes, tout va bien. Le cours démarre. « Merde », il n’a pas de stylo ! Il se cale contre le mur et commence à somnoler.

Hugo surfe sur sa scolarité depuis plusieurs années. Il se réveille dans la dernière partie du dernier trimestre et donne un petit coup de collier afin de se donner l’illusion qu’il bosse un peu. Sinon, il se traine, cahin-caha, s’occupant davantage de la qualité de sa vie relationnelle, que de ses études. En fait, il va en classe parce qu’il y est obligé.

Noyé dans un océan de propositions toutes plus alléchantes les unes que les autres, il semble pourtant s’être perdu dans un désert d’ennui… Il se construit, malgré lui, en bon consommateur, dans un univers de possibles dans lequel il ne parvient plus à distinguer ce qui relève véritablement de ses désirs propres ou de l’habitude. Il absorbe passivement la plupart du temps, ce qui lui est présenté, dès lors qu’il perçoit  un plaisir potentiel à en tirer, ce qui n’est pas toujours le cas. Blasé, il ne semble même plus se réveiller face à ce qui lui paraît exceptionnel, autrement dit, bien peu de choses. C’est pourtant un garçon vif, intelligent et dynamique, à ses heures… L’apathie bien connue de son état d’ado semble aujourd’hui peser des tonnes d’ennui.

L’école ? Ma foi, il n’a pas le choix, alors pour faire plaisir à ses parents, il y va. Hugo est un « no life ». Il grandit, un peu comme une plante verte, trouvant son chemin par défaut, là où rien ne semble occuper la place. Placide, il se contente de ce qu’il trouve, et tente d’en tirer le plus de plaisir, lorsque c’est possible, sinon il se résigne ou s’endort. De temps à autre quand même il éprouve le besoin de se prouver qu’il est bien vivant, alors il disjoncte. Généralement cela se passe en classe. Sans trop savoir pourquoi ni comment, il se retrouve dans un coup tordu ou une déconne qui se termine par un mot dans le carnet, une colle ou un avertissement. Injustice ! Ce n’est jamais de sa faute, alors il râle et rabâche en boucle que l’école c’est nul et que les profs sont tous des cons ! Heureusement il a ses potes, la musique et ses écrans, alors il navigue entre les trois, au gré du temps qu’il fait.

Son avenir ? Bof, ça ne lui parle pas trop, il verra plus tard. De toute façon il se passera bien quelque chose… Pour l’instant, il ne s’angoisse pas vraiment et se contente de vivre au jour le jour sans se prendre trop la tête.

Le « no life », est un élève indispensable à la vie de la classe. Souvent investit du rôle de bouffon, c’est lui qui fait rire tout le monde quand il se réveille, un filet de bave à la commissure des lèvres, les yeux tout ronds et qui demande, l’air ahuri, ce qu’il se passe… Son rôle est primordial, c’est une soupape qui arrive même, les bons jours, à faire rire le prof. Hugo vit « d’opportunités », il sait rapidement scanner la situation lorsqu’il y a nécessité absolue. On le retrouvera plus tard, peut être commercial, acheteur ou dans la pub… Opportuniste, créatif, instinctif, il sait le plus souvent réagir intelligemment face à l’urgence. En revanche, la planification, les démarches construites et réfléchies, ne sont pas sa tasse de thé. En pareil cas il se montre inopérant, fouillis, désordonné et très vite désarçonné, alors il se replie dans l’isolement ou le renoncement. C’est un combattant de la dernière heure, un survivant.